Mon intérêt pour les auteurs germanophones de la première moitié du XXeme siècle n'est plus un secret. Qu'il s'agisse de Stefan Zweig, Hermann Hesse, Erich Maria Remarque ou Thomas Mann, ces écrivains d'exception réussissent à plonger leurs lecteurs au coeur des passions humaines au fil de récits initiatiques ou transformateurs ancrés dans les tourments de leur époque. Et c'est peu dire !
Lorsqu'on connaît l'histoire de la première moitié du siècle passé et la folie qui plongea le monde à deux reprises dans des guerres absurdes et meurtrières, les valeurs d'humanité que défendent ces témoins de première ligne dont la voie porte sont d'une importance primordiale.
La Montagne Magique
La Montagne Magique de Thomas Mann fait partie de ces quelques romans qui m'ont profondemment marqué. Cette oeuvre de plus de huit-cent pages que son auteur a mis plus de dix ans à écrire reprend un nombre impressionnant de thématiques imprégnées du vécu et de l'expérience de Thomas Mann qui maîtrise l'art de transcender des faits anodins ou de petits épisodes de vie pour faire surgir des questionnements existentiels profonds.
Le roman se déroule à Davos, dans un sanatorium où séjournent de riches malades venus du monde entier pour chercher les bienfaits du climat de la vallée dans le traitement des maladies pulmonaires et principalement de la tuberculose.
L'épouse de Mann fera un court séjour dans un de ces établissements et c'est à cette occasion qu'il découvre ce microcosme, cette vie isolée des turpitudes du monde, ce temps suspendu et ces personnages hauts en couleur dont il s'inspira dans son récit.
Hans Castorp, le personnage principal de la Montagne Magique, est un jeune ingénieur fraîchement diplomé et originaire d'une famille bourgeoise, qui va rendre une visite de trois mois à son cousin qui suit un traitement dans un sanatorium dans la vallée. Il y restera sept ans...
Si les thèmes abordés dans cette oeuvre sont riches et multiples, l'opposition entre l'humaniste et progressiste italien Lodovico Settembrini et le mystique extrêmiste Léon Naphta est particulièrement fascinante. Leur confrontation idéologique qui n'est que d'ordre pédagogique à l'attention du jeune Castorp au début de son séjour à Davos finit par dégénérer en un affrontement sans merci dans la seconde moitié du roman.
Les mystères de l'amour, de l'amitié, de la mort et du destin sont également présents dans la Montagne Magique. Thomas Mann ne livre pas de réponses à ces questionnements. Il nous invite à se poser et à observer, comme il sait si bien le faire. Et comme le fait Hans Castorp, avant de quitter le sanatorium pour plonger dans la fureur de la première guerre mondiale.
Avec cette fin ouverte, nous ne savons pas si le jeune homme va survivre à l'enfer des tranchées. Cette ultime incertitude de la Montagne Magique nous invite à nous projeter dans notre propre vision du monde, d'y plonger avec passion et avec une soif d'existence ardente et insassiable.